Drôles de Pâques....

Nous nous étions arrêtés pour une petite collation et j'avais pris un plaisir indicible à tailler dans le steak saignant. Les pommes de terre rissolées fleuraient bon et même le demi-pichet de vin de pays était convenable... Cela m'avait mis de bonne humeur. Heureusement car depuis le matin, je n'étais pas à toucher avec des pincettes : trois jours avant, Clara m'avait envoyé sur les roses. Il n'était plus question que je continue à passer la voir comme quand bon me semblait, avec tout juste un petit coup de fil trop bref pour m'annoncer quand ce n'était pas après un message sur son répondeur téléphonique. Elle pourrait ne plus être seule... et il m'avait fallu lui rendre les clefs de son appartement. Jamais une toile ni même une invitation au restaurant, avait-elle ajouté. Là, elle exagérait. Parfois, je m'arrêtais chez le fleuriste et j'achetais une splendide brassée de fleurs aux couleurs éclatantes, elle s'en étonnait parce que c'était délicieusement rétro mais ce n'était jamais pour son anniversaire... j'aimais lui dire « Je t'aime ! » en lui offrant un bouquet de fleurs. Elle me regardait, décontenancée, presque méfiante.
- Et le dire avec ta queue ? glissait-elle mi-figue, mi-raisin en se déshabillant.
Elle avait des formes plantureuses. Cela me rendait fébrile, mes doigts voletaient comme les bras d'une pieuvre, l'effleurant, la faisant frissonner. Vorace, je goûtais à tout, jamais rassasié. Sur sa peau fine, laiteuse, se dessinaient des veines bleutées. J'aurais presque pu voir battre son cœur quand nous retombions exténués, gorgés d'amour, les narines palpitantes. Féline ou coquine, elle venait se frotter contre moi telle une chatte. J'admets que bien souvent, je ne fus pas de taille, je n'étais pas capable de la faire gémir autant de fois qu'elle l'aurait souhaité.
- Tu touches à tout mais tu ne finis rien, crachait-elle furieuse. Dur-dur de bosser trois nuits de rang, à souder de minuscules composants électriques, d'accumuler des vertiges, des contrariétés à cause de petits chefs misérables, à l'affût des mauvaises cadences. Le quatrième matin, souvent à l'aurore, je m'enfuyais de ce bâtiment maudit en accélérant le pas.
Je passais devant la cahute des gardiens, clic-clac dans la pointeuse et je m'arrêtai aussitôt après devant la cabine téléphonique à l'angle de l'avenue, heureux d'être enfin libre pour trois jours, cinq quand le week-end venait en suivant comme une cerise sur le gâteau. Je composais le numéro d'une Clara ensommeillée.. et vite, je prenais un bus pour, plus vite encore, me précipiter entre ses jambes et mettre mes oreilles au chaud. Espérer réaliser des prouesses était devenu une vaine espérance.

