Vient de paraître chez Ramsay, le dernier roman de Cizia Zykë. Patrick Besset a rencontré l’auteur, un long entretien à bâtons rompus. « Buffet campagnard », un huis clos comme un conte cruel… résolument moderne. Au jeu du miroir aux alouettes, l’homme semble perdre sa substance pour se retrouver nu face à ses instincts. Brrr !
Par une après-midi ensoleillée, poignée de main amicale, nos regards se croisent. Une certitude : il n’est pas l’homme qu’ont dépeint depuis cinq ans les médias… cet aventurier raciste, sans foi ni loi, ce macho esclavagiste, cette tête brûlée au succès insolent, cette bête du Gévaudan… En fait, cheveux ras et toujours moustachu, sourire cordial, il a la voix douce d’un homme franc, d’un homme d’honneur à la force tranquille qui n’effraye que les imbéciles ou les pleutres. Un homme différent… il s’est livré en confiance, sans détour… *
Qui est cette légende ?
Papillon ? Henri de Monfreid ? NON.
Cizia Zykë, quarante ans, est de nationalité française mais de sang albanais, rêvant d’un retour au pays. Jean-Charles pour prénom français ou Charlie pour sa famille. Les années 60 le voient jouer au football, espoir chez les Girondins de Bordeaux. À dix-sept ans, turbulent, d’une curiosité insatiable, il décide brutalement de partir. Contrebandier, convoyant du vieux matériel vers le Sahel depuis Toulouse et Bordeaux, à une époque où personne en Afrique ne guettait la caravane du Paris-Dakar... puis l’Asie, les Amériques et autres cieux. Il restera vingt-deux ans à barouder, à parcourir le globe. Autant d’aventures que de puces sur un chien sans collier. Tous les quatre ans, retour en France, dans le Sud-Ouest où il a ses attaches familiales… pour souffler, pour revoir les siens.
Les années 80 le retrouvent au Costa Rica, parmi les Ticos, 357 Magnum en bandoulière, une fièvre aurifère comme prétexte… en fait, une aventure jusqu’au bout de soi. Dupé, grugé, il rentre précipitamment en France, le continent sud-américain en pendentif – en fait une grosse pépite d’or – et la haine au ventre.
Écrire pour sauver sa peau…
Il craint pour sa vie, aussi ne voit-il qu’une seule issue pour échapper aux représailles : dire, crier haut et fort ou encore écrire cette histoire.
Récits autobiographiques : « Sahara »,



Tel Alan Quatermain avant-hier ou Indiana Jones un autre jour, il a voulu son quotidien différent, exaltant. Il a fait le choix d’une vie où la parole donnée vaut encore son pesant d’or. À une époque où la vieille Europe, hypocrite et travestie, ne connaît plus que la chose signée et contresignée pour se garantir des parjures, en des temps où la femme de ménage devient une technicienne de surface, l’homme de la rue un sans domicile fixe, l’aveugle un non-voyant, le sourd un malentendant et un vieillard une personne du troisième âge… il osa être un homme libre, anachronique, libéré du joug des frontières. Un citoyen du monde pour ceux qui le comprennent, un fou mythomane pour les autres. Ainsi depuis 1985, vit-il un cycle d’aventures lié à la chose écrite. Il commence à tourner la dernière page de ce cycle d’écriture. Il a écrit dix titres au total, vendus à quatre millions d’exemplaires environ, toutes éditions confondues (librairies, club, poche) en France et à l’étranger. « Oro », traduit en vingt langues, « Sahara » en douze. En projet : » Les lettres d’Albanie » qui sera son onzième titre…
Après l’édition, le cinéma…
Aujourd’hui ses pas le conduisent vers le scénario, la réalisation… « Oro » sera bientôt sur les écrans, « Buffet campagnard » plus tard. Cizia s’était essayé à écrire « Chaos », un scénario. Il a été approché par la filiale France de Canon Group International, la firme des deux frères Menahem et Golan Globus… Ainsi s’apprête-t-il à conquérir le septième Art. Je suis impatient de voir comment… Sceptiques ? Vous plaisantez ! Souvenez-vous des premiers pas d’un italo-américain qui ne payait pas de mine. Silvester… Il avait une volonté farouche susceptible de faire trembler l’establishment. Je fais le pari que d’ici cinq ans, Cizia…
Terrasser le dragon…
Il a pu découvrir de l’intérieur que le monde de l’édition est une jungle autrement plus inextricable et luxuriante que celles dans lesquelles il s’est frayé un chemin à coups de machette. La cheville ouvrière de cet univers est considérée comme de la valetaille par bon nombre d’éditeurs. Les écrivains ? De vraies danseuses entretenues. Homme de défi, Cizia décida de partir en guerre contre les hégémonies avec, pour point d’orgue mémorable, la volonté réitérée de remettre certaines pendules à l’heure. Il crée une collection mettant en scène Tuan Charlie… Monsieur Charlie en indonésien. Quatre titres aussitôt imprimés aussitôt vendus : « Maléfices », « Opium », « Dust » dont il est le plus fier et « Enfer ». Son bras de fer avec Gérard de Villiers fut émaillé de déclarations fulminantes, ponctué de noms d’oiseau… Si le dégoût a atteint alors son paroxysme, la colère bouillonnait encore. Il en a canalisé les tourments pour, tel le phénix qui renaît de ses cendres, les transmuter en rage créatrice… pour enfanter de « Buffet campagnard ».
Quittant les usines à best-sellers, il est venu se mettre au vert chez Ramsay. Plus au calme, enfin écouté, enfin lu dans le texte.
Un conte ? Plus que ça…
Deux compères errent dans un désert aride, au bord de l’épuisement. Leur Cadillac est en panne. Ils avaient osé croire pouvoir fourguer impunément n’importe quoi aux paysans du cru, incultes donc forcément naïfs. Ils avaient pensé faire chou gras, ils firent chou blanc… les paysans n’étaient pas aussi cons qu’ils le croyaient… À l’extrême limite de leur force, ils découvrent une maison : la Casa de Sangres. Les deux loustics, César le bonimenteur né, jouisseur concupiscent et son factotum Couicou, simple et gros, sont reçus comme les rois Mages dans cette oasis de verdure par Doña Mercedes de Sangres, sa fille Carnelle dont les rondeurs fessières et mammaires émoustillent un César truculent, ses fils Attila, géant terrifiant, Goupil le feu follet et un aïeul parkinsonien. Nos deux acolytes, installés aussitôt devant un festin de cochonnailles voient là une aubaine inespérée… faire ripailles sans bourse délier et plumer impunément ces pigeons pour repartir ensuite vers d’autres coupables affaires. Mais la Cadillac rend l’âme grâce au sabotage d’Attila, parti la dépanner… force est donc d’accepter, pour nos deux escrocs, une plus longue hospitalité, bienveillante par ailleurs. Les jours passent, César ne parvient qu’à susciter la colère de ses hôtes devant son insistance paillarde à tenter de sauter Carnelle. Cette jouvencelle, vraie souillon, mais fausse ingénue, qui a pour charge de nourrir les cochons de la ferme qui composent l’ordinaire pantagruélique, est bien plus attirée par Couicou… Au fil des jours, ce dernier, littéralement gavé, de gros devient obèse, énorme poussah. Peu à peu, les rapports se détériorent entre nos deux complices… Couicou, destinataire de toutes les mignardises, objet de folles prévenances gastronomiques, de toutes les minauderies rend jaloux un César, peu accoutumé à être laissé pour compte. Étrangement, cela produit chez lui d’amènes ressentiments. Sa méfiance va se mettre en éveil jusqu’à la paranoïa. Finaud, il trouvera à fonder ses craintes, nées de sa mise à l’écart. Jusqu’au moment où il percera à jour les intentions inavouables de cette famille. Alors, une course contre la montre s’entame. Pour but : sauver sa peau, s’enfuir, échapper à cette démence…
Un conte comme un thriller… cruel !
Cizia nous propose un roman fort, un conte au goût amer des légendes d’autrefois. Un malaise sourd va crescendo jusqu’à l’exaspération. On étouffe dans les pages, on frissonne… en bref, la trouille vous menace. On connaissait l’épouvante, les thrillers anglo-saxons. Les stars en sont Stephen King, Danielle Steel. Cizia torture nos tabous et malmène nos palpitants, nous dévoilant une vraie parabole maline qui développe une drôle d’interrogation sur le genre humain. N’est-ce pas de la cruauté ? Qui de l’homme ou du cochon, ressemblerait le plus un porc immonde ?
JOUONS AU JEU DE LA VÉRITÉ…
Patrick Besset : Où se passe l’action ?
Cizia Zykë : Elle est située dans le sud de l’Europe. Je loue une propriété à Minorque qui se trouve à quelques kilomètres à l’intérieur des terres, pas sur une plage… c’est une campagne très belle, très sèche, un désert de pierres. Les gens ont construit au cours des siècles beaucoup de murs avec ces pierres. C’est un décor très spécial ! Je l’exagère dans le roman… il y a longtemps, les gens ne devaient pas manger grand-chose… ce qui est marrant, par ailleurs, c’est que j’ai eu à deux reprises en une année l’occasion de vivre avec des cochons. Début 89, j’avais loué en Inde ; là-bas, les cochons ont remplacé les fosses septiques. Je les considérais déjà comme impurs, dès lors j’en ai été dégoûté. Manger un omnivore ?!? Je préfère le bovin… puis en Espagne, j’ai loué cette ferme de cent quarante hectares, à un de mes lecteurs espagnols, pour un prix dérisoire. Sans doute voulait-il me faire plaisir ! Il y avait des cochons horribles, sales, vilains… j’ai eu le temps de les observer ! L’idée m’est venue : « Tiens, je vais écrire quelque chose sur ces cochons ! ». Et comme je pense cinéma depuis pas mal de temps (j’ai envie de réaliser), il me fallait un huis clos car je n’ai pas tellement de fric… quelques personnages, des cochons.
P.B. : C’est marrant ! J’avais pour moi, imaginé plutôt une pièce de théâtre avec un bruit de fond pour suggérer la porcherie et un ou deux cochons errant sur la scène…
C.Z. : « Paranoïa » s’y prête plus… c’et un huis clos mais à Paris. Un jeune auteur est pris de paranoïa… c’est un sujet encore plus vaste !
P.B. : N’est-ce pas ce qui vous est arrivé ? Quand on regarde vos déboires avec Hachette et Gérard de Villiers dont les medias se sont fait l’écho ?
C.Z. : Je me suis seulement heurté à un monopole, à de dôle de gens… je ne comprends pas le monopole dans la création et je ne comprends pas des gens comme Gérard de Villiers qui empêche les gens d’écrire… Je me suis fâché avec le groupe, il y a quelques mois. Puis je suis passé chez Ramsay qui, eux, sont assez sympas. De vrais éditeurs, quoi ! Des types qui font leur boulot. Les grands groupes sont des vendeurs de savonnettes, ils n’ont pas de lecteurs (de manuscrits). Les Presses de la Cité m’avaient sollicité, je n’ai pas voulu passer d’un groupe à l’autre… ce n’était pas mon but. Je voulais avoir un contact humain, être lu. Dans les grands groupes, c’est avant tout la rencontre avec les auteurs, leurs témoignages qui m’ont écœuré… ils envoyaient leur manuscrit et huit mois après, ils n’avaient toujours pas de réponse. En fait, je n’ai pas eu à souffrir de cela, moi-même, car j’ai eu un parcours éditorial très sympa mais j’ai été surtout choqué par le manque de respect vis-à-vis de ces auteurs. Le monopole est très nocif ! Quand j’étais gamin, je vivais en France… dans ce secteur du bouquin de gare, il y avait de bonnes choses. Maintenant, il y a de Villiers partout. Les auteurs n’ont plus le plaisir d’avoir leur nom sur la couverture, quatre personnes sur un bouquin… le bouquin ne peut être bon. Et de Villiers qui interdit l’identité. C’est négatif ! Tout cela pour des raisons purement commerciales. À partir de là, j’ai commencé à traiter de Villiers tel qu’il le mérite. Oh ! L’année dernière a été très sympathique ! (Sourires) Il y a de gros problèmes dans l’édition, je les ai sentis. J’avais même été jusqu’à envisager de laisser tomber l’édition française pour l’édition anglaise… j’ai vécu une aventure éditoriale dont je vais sortir bientôt avec un livre «, « Lettres d’Albanie » qui sera publié chez Ramsay. Je m’aperçois maintenant que ce chemin d’écriture n’avait pas d’autre but que d’aider l’Albanie, ce pays que j’aime.
P.B. : Pour parler de ce nouveau roman, Cizia… comment vous est venu l’idée d’une telle intrigue ?
C.Z. : Je vais revenir à l’édition… au mois de juin 89, je suis encore fatigué, très fatigué, ils m’ont pris la tête… je me suis dit : « C’est fini ». Je venais de donner deux ans à l’écriture pour lutter contre ce monopole, car, seule l’écriture me permettait cette lutte. Cette lutte qui n’était pas pour créer un monopole Zykë… j’ai quarante ans et je ne possède rien. J’ai vécu à découvert toute ma vie, totalement désintéressé… je vis bien, c’est vrai mais le pognon, je ne le garde pas, je le fais transiter, voilà ! J’avais créé une collection qui portait mon nom…
P.B. : Cizia Zykë – Tuan Charlie ?
C.Z. : Oui ! C’était un volet pour ouvrir le terrain à d’autres auteurs qui auraient ainsi eu droit à leur identité, au fric. J’étais très sincère dans cette lutte… Deux ans d’efforts et cela a merdé terriblement ! Ils m’ont asphyxié… tous mes livres vendus immédiatement, mas pas de retirages, pas de réassort. Bref, au mois de juin, je suis très déçu… Je les envoie se faire foutre, tous, et je repars dans ma ferme. Mois de juillet. Il fait très chaud, ça va mal, je suis encore en colère, perdu dans la campagne. Au mois d’août, j’ai des gens chez moi dont le César du livre. Devant la règle de l’hospitalité, chez nous primordiale, impossible de renvoyer les importuns. Je me mets en retrait, dans un petit donjon de la ferme, pour ne pas voir ces gens. Le roman est un mélange de tout cela, voilà ! César est un personnage qui existe, Doña Mercedes aussi, les cochons sont là. Sinon, j’avais déjà goûté au thriller avec « Paranoïa », j’y avais pris plaisir. Et là, j’avais envie d’écrire un livre effrayant, un conte cruel du XXIème siècle avec certaines libertés.
P.B. : C’est gagné !
C.Z. : Il me fallait créer un malaise. Je n’étais pas préoccupé de contingences commerciales telle qu’une fin heureuse et puis 45°C en été…
P.B. : Une remarque, pourtant… le départ est hésitant. On pourrait y voir des facilités, des commodités, une grande crudité, une langue âpre puis le style évolue, peu à peu, vers plus de raffinement… dans la cruauté.
C.Z. : Mais César est comme ça, presque ordurier ! Il me fallait un tel passage avant de rentrer dans l’action, dans le piège. Il fallait dégoûter le lecteur par cette lourdeur, avec l’odeur du thym, l’exagération de tout. J’en suis très content car j’ai réussi le challenge de provoquer le dégoût lors de la lecture.
P.B. : J’ai été épaté par le travail d’écriture, par le travail de laboratoire et effrayé, tout à la fois, par ce que je lisais. Si le livre devait donner naissance à un film, je n’irais pas le voir. Je n’ai pas envie de revivre ça…
C.Z. (Éclats de rire) : Je vais effectivement en faire un film… que je réaliserai moi-même, je jouerai le rôle d’Attila…
P.B. : La pâte est superbe, pas de gratuité avec un vocabulaire bien choisi, des dialogues bien sentis.
C.Z. : J’en suis content… c’est vrai… car c’est un sujet très lourd à porter. J’étais quand même satisfait d’en sortir…
P.B. : Une question abrupte… Avez-vous la totale paternité ? N’est-ce pas du rewriting ?
C.Z. : Non, non ! Je n’ai pas de prétention littéraire. Aucune, aucune, aucune ! Ce n’était qu’un challenge !
Le cheminement…
Cizia Zykë : Je suis passé à la fiction avec « Fièvres » en 1987 alors que j’avais commencé avec des récits vécus. « Oro » ? Je ne devais pas l’écrire… je voulais juste me protéger du gouvernement costaricain qui était mon allié dans cette affaire, un mauvais associé… j’avais peur car je n’étais plus qu’un hors-la-loi. S’il y avait eu procès, j’aurais été le grand perdant… Et j’avais le désir de faire un cadeau financier à un membre de ma famille avec les droits. Voilà ! Pour le faire et parce que je n’avais pas parlé le français pendant deux ans, je contacte successivement trois journalistes… La dernière est une collaboratrice de Bouvard que j’amène à Saint-Domingue. Je lui loue un hôtel sur la plage car, pour moi, un auteur, un écrivain a besoin de tranquillité, d’atmosphères pour pouvoir travailler. En fait, je me suis rendu compte qu’elle n’était qu’une échotière. Les quinze premières pages de mon histoire qu’elle avait écrites étaient comiques. J’avais un secrétaire à l’époque… je lui ai dit : « Je ne peux plus faire marche arrière, je suis trop enfoncé dans cette histoire. Nous allons l’écrire ! ». Je ne pouvais pas subir d’échec… je l’ai envoyé acheter du papier, un stylo, se renseigner à l’Alliance Française, sur ce qu’il y avait à voir comme référence dans le genre « aventure ». Évidemment « Papillon » et Henri de Monfreid que j’avais lu quand j’étais gosse… un peu naïf en tant qu’aventurier et Papillon, le personnage, un peu trop pute… trop commercial. J’ai voulu écrire « Oro » en masquant le Bien. Puis la vanité m’a conduit à écrire trois bouquins sur ma vie. Publier ses mémoires à trente-cinq ans ! Mémoires étranges, bizarres… une histoire d’Afrique comique et une histoire très dure… à Toronto, j’avais été patron de night-club à vingt et un ans. Ça devait s’arrêter là… puis une envie d’écrire une fiction que je concrétise avec « Chaos » qui n’est jamais publiée… un scénario de vingt pages dont l’action se passe dans le Triangle d’Or… j’y ai beaucoup d’amis. Enfin, je rencontre Gérard de Villiers avec lequel j’entame cette lutte pour effriter son monopole. Il s’esquive… j’étais entré dans l’édition avec la foi, un grand respect après avoir bourlinguer, mené une vie très spéciale… je trouvais cela propre. Je me suis trouvé très con ! Je n’ai pas voulu croire pendant longtemps que c’étaient des requins…
Cinéma ?
P.B. : J’ai entendu dire que « Oro » allait être porté à l’écran…
C.Z. : C’est vrai… Yves Boisset a été retenu pour ses qualités d’homme d’action. C’est encore un pari… Je veux que le film se fasse avec un petit budget. Je ne voulais pas d’une grosse production… Dès 1985, Sarde voulait m’acheter les droits mais je voulais en écrire le scénario… c’est une partie de ma vie et je ne voulais pas qu’on le massacre. Quatre ans après, on se revoit et on tombe d’accord… Je me suis occupé du scénario et de certains décors. Sarde est un fonceur, il a des qualités certaines. J’ai vu deux des films de Boisset, il m’a donné l’impression d’être à la hauteur sur le terrain… On va le contacter, il est au Canada en ce moment. Les américains qui avaient fait M.a.s.h. voulaient adapter « Oro », j’ai refusé. Ils l’auraient détruit…
P.B. : Comment écrivez-vous ? Machine à écrire ou…
C.Z. : Non ! Je suis incapable de m’asseoir… je travaille depuis plus de deux ans avec la même méthode : je fais vraiment le vide pour l’écriture ! Je serais incapable d’écrire à Paris… il me faut des lieux. Je loue donc une ferme là-bas, où il n’y a personne ; les gens qui habitent autour de moi respectent totalement mon activité. Je vois très peu ma petite fille de trois ans, très peu ma compagne pendant le temps d’écriture. Je vais donc vivre avec mon livre pour vite en sortir et profiter enfin. Sinon, je me lève à 6h du matin, je bois deux, trois tasses de café – le thermos est déjà prêt – je fume deux, trois cigarettes de hashish, une certaine qualité qui est propice à la création…
P.B. : C’est un leurre !
C.Z. : Non, non… Non, non ! Parce que j’en suis intimement persuadé… parce que je le contrôle. Je ne fume que dans ces circonstances précises. Vers 7h30, mon secrétaire monte. De 7h30 à 10h30 ou 11h, je vais dicter vingt pages… Je travaille sur vingt pages à peu près. Vers 17h, il m’apporte ces vingt pages dactylographiées. De 17h à 19h, je vais travailler… savoir si j’ai fait long, remanier… les dialogues, couper un petit passage et rebelote, le lendemain matin. Et pendant le temps d’écriture, je ne fais que cela. Je ne suis libre pour personne, ni même un membre de ma famille… il n’y a rien d’autre que l’écriture. Aucune fatigue, ni physique ni cérébrale. Rien d’autre !
P.B. : On grossit, non ?
C.Z. : Oui ! Et on se détruit… j’en suis tombé malade au mois de décembre… c’est un challenge, cette manipulation du lecteur ! Avec une grande fierté lorsque je réalise avoir réussi, lorsque le lecteur me fait l’aveu d’avoir eu peur…

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