Depuis, je mange peu, je ne sais pas pourquoi. Mon appétit s'en est allé quand la douleur m'a quitté. Avant, elle m'emplissait tout entier, une véritable intruse et mon appétit était féroce. Mon corps scandait chaque attaque de la douleur par une crise de boulimie qui me voyait m'empiffrer de l'aube jusqu'au crépuscule. Je profitais des inexplicables répits nocturnes pour descendre chez l'Arabe ouvert très tard et y acheter de quoi bâfrer. Les douleurs aiguës m'interdisaient le salé et les douleurs sourdes me ramenaient vers des saveurs moins amères. L'Arabe et son commis m'observaient sans un mot, je pouvais voir leurs regards dans le grand miroir rond au-dessus de la machine à trancher le jambon, juste à côté des yaourts et des fromages. Là, je cueillais du beurre demi-sel et un gros morceau de roquefort que j'affectionnais. Maintenant, son goût prononcé provoque en moi des nausées. Je pivotais ensuite pour faire face au rayon des gâteaux et vlan, congolais, macarons, madeleines, boudoirs et palmiers dans mon caddie minuscule; je les grignoterai lorsque la douleur plus diffuse, la peur envolée, je me remettrai à écrire. Ne pas oublier les quelques gourmandises à la naphtaline et à la pyréthrine pour mes mites et mes cafards.
Aujourd'hui, je n'ai pas mangé. Avant la douleur, j'étais soucieux de savoir bien préparer les morilles farcies à la catalane, l'escudella, de m'essayer à cuisiner un xamango ou un merlu koskera, une poule au pot ou un confit d'oie, ou bien encore un délicieux alicot, un pétaram, parfois un azinat aux choux. J'attendais Noël pour exécuter la recette inoubliable de la merlussade transmise par une énorme Ariégeoise. Mon goût s'en est allé, en même temps que mon appétit... je pense que le jour où je ne me satisferai que d'un infâme brouet, je me pendrai ou je me jetterai sous les roues d'un train ou bien encore j'avalerai le potage d'une sorcière. Mais j'aurai peur d'avoir mal, j'ai souffert si longtemps que la seule idée de la douleur revenue me paralysera, me coupera le souffle, m'asphyxiera presque... quelle ironie !
2 commentaires :
Bonjour Patrick,
Le fait de n'avoir pas accès à Windows Media Player 11 ... (Mac oblige) m'a obligé à avoir recours à la bonne vieille lecture. Je ne pourrai donc te dire si le son te sert ou te dessert ... Désolé si le sucré t'es interdit !
En vu d'exposer au musée Paul Dupuy, j'aimerai engager une réflexion sur la photographie machine à voyager dans le temps ... Peut être pourrais-tu m'aider ?
La qualité audio est très bonne... un peu de "pouf pouf " sur les "P".
Le texte: le texte est intéressant, une nouvelle dans laquelle on sent les odeurs, on imagine l'intérieur de l'épicerie, le goût des aliments...... moi, les mots me faisaient balader au travers de ce petit univers. Sauf qu'aussitôt que j'embarquais dans l'imaginaire, des mots comme.... cutter... fun.... scotché.... me sortait du texte. Je sais bien que c'est le nouveau français, mais je trouve que ces mots manque de richesse. Ces mots n'arrivent pas à garder mon imaginaire en place.
Je sais bien ..... mais bon .... c'est simplement mon avis..... et qu'en fermant ce " EMAIL, J'VA SORTIR DÉHORS POUR STRARTER MON CHAR POUR ALLER TRAVAILLER À LA SHOP".
C'est loin d'être une critique.... je te livre un sentiment que j'ai eu en faisant la lecture.
Salut....
Rémy (Québec)
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