Un millésime de 1953... pêche au chef d’œuvre ! *
* Article publié le jeudi 7 décembre 1989 dans le quotidien régional « Le Journal de Toulouse ».
Ernest Hemingway. Photo Pierre Verger vers 1955. |
« Il était une fois un vieil homme, tout seul dans son bateau qui pêchait au milieu du Gulf Stream ». C'est par ces mots qu'Ernest entame son récit. Comme une fable, comme une légende... Septembre. Santiago, vieux pêcheur cubain, est bredouille depuis quatre-vingt jours. Un jeune garçon, Manolin, ami du vieux depuis longtemps l'a accompagné durant ces longs jours. Mais la poisse étant sur le vieux, les parents ont placé le gamin sur un autre bateau. Le vieux pêcheur garde l'espoir d'une belle prise pour bientôt. Le gamin aussi... tant sont grands l'estime et le respect qu'il a pour son aîné. L'adolescent persiste, tout en nuances, à préserver la dignité du vieux que les gens du village malmènent ; il persiste à lui faire ignorer la misère qui le guette. Car pas de pêche, pas d'argent... Un soir, le vieil homme s'endort confiant. Demain, quatre-vingt cinquième jour sera un beau jour. Il partira pour enfin ferrer un grand poisson, un espadon. L'aube le voit partir, seul dans sa barque, ramant sans effort, posant ses appâts et surveillant ses trois badines, lestées de sardines. Deux lignes de plus... A midi, un espadon mord et se met à l'entraîner vers plus au large. S'ensuit une longue traque, une très longue attente, aux aguets. Trois jours. L'aïeul, observant la tension du fil et la surface de l'eau. Vers midi du troisième jour, le vieux a enfin raison du poisson gigantesque, six mètres de long, plus d'une tonne. Le harpon a percé le cœur de l'espadon. Trop grand pour pouvoir contenir dans la barque, le poisson est amarré le long de la frêle embarcation. Voile dehors pour le retour, David remorquant Goliath. Un long calvaire... les requins, vautours de la mer, arrivent et s'attablent devant le festin. A chaque mâchoire qui claque, s'en va un morceau du trésor du vieux squale. Puis viendront deux autres charognards qu'il tuera pareillement. Mais l'espadon fond, perd sa chair devant les attaques de deux autres requins. Vers minuit, la meute entière se jette dans la bataille et achève de dépecer le fruit de ses efforts. Amère victoire ! La nuit l'accueille, le port est bientôt là, le village dort. Le vieil homme échoue sa barque, l'immense squelette blanc, l'épée dressée, accrochée à son flanc. Il se laisse aller sur sa couche et plonge dans le sommeil...Ernest nous offre là une odyssée remarquable. Il est si facile d'écrire long sans craindre que la sauce soit trop aigre ou n'encartonne la langue que l'on apprécie d'autant plus un court roman. Dans cet exercice de brièveté, aucune erreur n'est permise, aucune lourdeur n'est pardonnée. Ernest a su gagner ce pari; il nous montre les illusions et les déceptions d'un vieil homme voulant reconquérir l'estime de ses concitoyens, de ses frères. Heureuse défaite !
Ernest Hemingway. Photo de Yousuf Karsh, 1957. |
En effet, Ernest Hemingway était plus soucieux du destin de ses histoires que de celui de ses romans... la publication de ce recueil de soixante dix-huit nouvelles comme une véritable somme constituait ainsi un vibrant hommage : cette collection propose une mise à nu des œuvres, sans annotations ni appareil critique, laissant au lecteur la simple joie de la rencontre avec l'écrivain tout en offrant un format souple des plus pratiques, à prix réduit.
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François Bon, « Le Vieil Homme » et l’amer
20 février 2012.
L’écrivain qui avait mis en vente sur le Net une traduction de l’œuvre d’Ernest Hemingway, s’est vu interdire sa diffusion par Gallimard qui se revendique propriétaire des droits du roman.
Par Éric Loret.
C’est le tweet clash des trois derniers jours : « Gallimard n’a rien contre Publie.net et ne demande pas de dédommagements à FBon. Passez un bon week-end ». Réponse de l’écrivain François Bon : « Menteurs ! J’ai la lettre ! ».
Vendredi après-midi, l’auteur de « Daewoo » (2004, prix Wepler) a annoncé sur son compte Twitter que Gallimard lui avait enjoint de « faire disparaître » de son site Publie.net, spécialisé dans la vente de littérature contemporaine, la traduction qu’il avait faite du Vieil Homme et la Mer d’Ernest Hemingway. Également que Gallimard demandait des « dédommagements pour les 22 (vingt-deux) exemplaires téléchargés » à 2,99 euros pièce. Cette traduction est un « projet de vie ancien », précise François Bon, qui trouve la vieille version Dutourd de Gallimard « lourdingue et approximative ».
Juste après, @fbon, « dégoûté », déclarait son intention de fermer son site, condamner mail, téléphone, tweet et même : « pour ceux qui ont mon adresse : viens de mettre à ma poubelle 75 kilogrammes de Pléiade y a Michaux Gracq Borges Char.» Maître Eolas dans la foulée : « Et voilà, @gallimard, pour gagner 3 euros de droits d’auteur, vient de s’offrir un bad buzz à 1 million ». Les plus énervés des tweets de François Bon ont disparu depuis, mais le hashtag #gallimerde avait hier encore de beaux restes.
Qui a raison ? François Bon savait que le texte du Vieil Homme et la Mer était dans le domaine public au Canada. Il croyait qu’il en était de même aux États-Unis, ce qui aurait rendu la plainte de Gallimard obsolète, le copyright ne pouvant être plus long en France que celui du pays d’origine de l’auteur. Hélas, comme l’a expliqué Cécile Dehesdin sur Slate.fr, les droits du Vieil Homme auraient pu tomber en 1980, soit vingt-huit ans après sa publication, si la dernière épouse de Hemingway n’avait eu la bonne mauvaise idée de les prolonger, soit jusqu’en 2047. Mais comme le copyright français, c’est soixante-dix ans après la mort de l’auteur, même si les droits courent encore dans son pays d’origine, la libération du texte de « Papa » serait plutôt vers 2032. En revanche, François Bon peut vendre sa traduction en ligne au Canada, à condition que le site marchand empêche les Français de se procurer le livre litigieux.
Gallimard, qui ne veut pas endosser le rôle du méchant, a fini par déclarer que « si on suit strictement la règle, nous sommes en effet les seuls à pouvoir publier une traduction de cette œuvre. Mais, vis-à-vis de la succession Hemingway, […] nous sommes tenus contractuellement de faire respecter ces droits. François Bon n’avait probablement pas connaissance de ces accords contractualisés ».
Dimanche matin, François Bon reconnaissait son « erreur juridique », tout en pointant que « les droits numériques n’étant probablement pas explicitement spécifiés dans l’accord de commercialisation de l’œuvre établi dans les années 80 qui fait de Gallimard le cessionnaire exclusif (quelle expression) des héritiers du vieux lion », il pourrait aller en justice s’il le voulait. Mais qu’il ne veut pas.
L'éditeur de livres numériques François Bon est en conflit avec Gallimard pour avoir publié une nouvelle traduction du « Vieil homme et la mer ».
Un désaccord entre Gallimard et la maison d'édition numérique Publie.net illustre à quel point le domaine du droit d'auteur est labyrinthique.
François Bon de chez Publie.net a écrit une nouvelle traduction du Vieil homme et la mer d'Ernest Hemingway diffusée sous forme numérique. Les Éditions Gallimard, qui publient Hemingway, ont alors envoyé un courrier à plusieurs plateformes proposant cet e-book à la vente, raconte-t-il sur son blog Tierslivre, l'e-mail disant : « Les Éditions Gallimard sont propriétaires des droits d’édition (y compris des droits d’édition au format numérique) pour cet ouvrage ».
Comme le note Maître Eolas sur Twitter, en France la transmission des droits de l'auteur « est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession ». C'est-à-dire qu'il faudrait que les ayants droit d'Hemingway aient précisément cédé les droits numériques de l'écrivain à Gallimard dans un contrat les liant. Les Éditions Gallimard poursuivent : « Elles demandent à l’éditeur Publie.net de retirer cet ouvrage de la vente, dont la publication et la commercialisation constituent un acte de contrefaçon. Si vous proposez cet ouvrage à la vente, nous vous demandons de procéder à son retrait immédiat de votre plateforme ».
Dans son billet et sur Twitter, François Bon explique avoir retiré son livre numérique de la vente. Il estime que « Gallimard diffuse depuis 50 ans une traduction lourdingue et approximative de Jean Dutourd du Vieil Homme et la Mer », « pas disponible au format numérique », et que sa propre traduction était un « projet de vie ancien ».
L'éditeur, qui affirme que Gallimard lui a demandé des dédommagements pour les 22 exemplaires de sa traduction achetés (ce que Gallimard démentait vendredi soir sur Twitter), envisage d'arrêter totalement l'activité de Publie.net, estimant ne pas pouvoir «continuer dans un contexte de telle hostilité».
On peut déplorer la traduction du Vieil Homme et la Mer de Gallimard, ou l'étendue temporelle des droits d'auteurs, comme l'ont fait de nombreuses personnes sur Twitter avec le mot clé #Gallimerde, ou via cette pétition. Mais qui a raison quant aux droits du livre? Est-il dans le domaine public ou pas?
Dans son message, François Bon dit aussi qu'Hemingway, mort en 1961, est dans le domaine public aux États-Unis et au Canada. C'est vrai pour le Canada, où les ouvrages tombent dans le domaine public 50 ans après la mort de leur auteur.
Mais ce n'est pas le cas aux États-Unis. Le Vieil Homme et la Mer a été publié en 1952, à une époque où la loi protégeait le copyright de son auteur pendant 28 ans après la parution d'un ouvrage (soit jusqu'en 1980 pour celui-ci).
Pour les ouvrages publiés à cette époque, la loi américaine prévoyait que si le copyright était renouvelé au bout de ces 28 ans, il courait pendant 67 ans de plus, comme l'explique Stephan Fishman dans The Public Domain: How to Find & Use Copyright-Free Writings, Music, Art & More. Or, la quatrième et dernière épouse d'Ernest Hemingway, Mary, a renouvelé le copyright du Vieil Homme et la Mer en 1980.
Le roman n'entrera donc dans le domaine public aux États-Unis qu'en 2047 (1980+67). On peut noter que, si Mary Hemingway ou un autre ayant droit a pris soin de renouveler le copyright de toutes les œuvres de l'écrivain, pas une seule ne sera dans le domaine public américain avant 2018, la première, Trois histoires et dix poèmes, ayant été publiée en 1923.
Pourquoi un tel intérêt pour le droit d'auteur américain? Parce qu'Hemingway était Américain et que, selon la loi française, si l’œuvre était dans le domaine public aux États-Unis, elle le serait également dans notre pays, et François Bon serait donc libre de la traduire et de la publier.
En France, comme l'expliquait un article d'Alexis Boisseau en septembre dernier, «les droits subsistent pour les ayants droits 70 ans après le 1er janvier qui suit la mort de l’auteur». Soit 2032 pour Ernest Hemingway. Quelle date choisir entre 2047 et 2032 ?
Notre loi prévoit que la « la durée de protection est celle accordée dans le pays d'origine de l’œuvre sans que cette durée puisse excéder » celle prévue par la loi française. Dans le cas du Vieil Homme et la Mer, la durée américaine excède la durée française, le livre sera donc dans le domaine public dans notre pays en 2032.
Exclusivement réalisé à la main, peinture à l'huile, du bout des doigts, sur 29 000 plaques de verre. Sa poésie est intense, les couleurs sont lumineuses et la touche artistique exceptionnelle : elle a impressionné douze jurys internationaux dont celui des Oscars américains (Oscar du meilleur court-métrage d'animation) et du Festival d'Annecy qui ne s'y sont pas trompés.
Régalez-vous à votre tour en le visionnant (ci-dessous), dans sa version intégrale, en V.O. (français) ou en japonais !
Le DVD est proposé dans un transfert 4/3 au format 1.33, accompagné d’une piste son française en Dolby Stéréo tout comme la version originale. Des sous-titres français sont également disponibles.
En guise de suppléments, cette édition comprend un « making of » de 9 mn et un portrait d’Ernest Hemingway de 17 mn.
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